Tout savoir sur le couteau catalan.
Entre mythe et réalité, le couteau catalan ne cesse de faire couler de l’encre. S’il est parfois difficile de cerner la légende de son histoire originelle, il met d’accord à coup sûr sur son allure singulière.
Son style élégant et effilé pourrait à première vue le faire cataloguer comme couteau hispanisant. Il faut dire que la Catalogne, mi-française, mi-espagnole, se trouve de part et d'autre de la frontière des 2 pays.
Si son nom est équivoque, c’est bel et bien la ville de Perpignan qui est la ville d’origine du catalan français, avec des couteliers spécialisés, comme René Mellot ou Martin Frères.
Découvrons ensemble la fabuleuse histoire du Couteau Catalan !
Découverte du couteau"Catalan"
Un peu d’histoire...
La Catalogne française a été l'une des régions où l’on découvre au siècle dernier un artisanat coutelier qui fabrique et vend un couteau caractéristique (inconnu d'ailleurs en Catalogne espagnole).
La corporation des couteliers de Saragosse avait une certaine influence au commencement du XVe siècle. Martí l'Humà, roi d'Aragon, accorda en 1406 à Bernat Negre, fabricant d'épées, de poignards et de Navajas, l’autorisation de s'établir à Perpignan où cette industrie était alors très importante et le dispensa de payer les droits qui lui incombaient dans l'achat d'une maison pour y exercer sa profession, voulant que la ville de Perpignan soit honorée par la présence d'un homme si habile.
Claude Bidaut, spécialiste et artisan coutelier à Reynes, situe l’apparition du couteau Nord Catalan au milieu du XIXè siècle.
« Avant le traité des Pyrénées – signé le 7 novembre 1659 -, les Pyrénées-Orientales actuelles faisaient partie de la Catalogne, donc de la couronne d’Espagne. Les couteaux fabriqués à cette époque étaient des couteaux catalans pliants, tels que ceux de Bernardo Negro (1406-15…) ».
La fabrication des catalans s’inscrit dans une forte tradition d’artisanat métallurgique, d’autant que la région, riche en minerai de fer, comptait de nombreuses « forges catalanes ».
Le couteau "Catalan" traditionnel – anatomie.
La première caractéristique du produit et qui le rend reconnaissable entre mille est cette "cassure" dans la forme du manche, qui sépare la partie haute de la partie basse constituée d'une mitre en forme de fusée conique , et se terminant par une boule ou une "queue de crotale". Son style atypique et longiligne a de quoi séduire les amateurs de belles lames !
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Le ressort est forgé transversalement; sa partie antérieure aplatie au-dessus du premier rivet de fixation n'est pas sans analogie avec la "mouche" des Laguiole. Il suit toute la partie droite du manche du couteau pour s'interrompre immédiatement en arrière de l'angle de façon classique, son premier rivet constitue l'axe autour duquel tourne la lame à l'ouverture du couteau. Le second se trouve au centre de la partie droite du manche et le troisième un peu en arrière de l'angle. Jamais le ressort n'est fixé dans le dos du manche, comme pour certaines Navajas, et les fermants à ressort extérieur de Mongin (le Hemingway par exemple).
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Le manche coudé est en corne d'une seule pièce, habillé d'une fausse mitre et d'un talon en feuillard de laiton; il est décoré sur toute sa longueur d'une bande de laiton guillochée à motifs décoratifs en forme d'ondulations ou d'encoches.
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Le ressort est puissant, avec un tenon qui s'insère dans une lentille de forme variable. Pour les ressorts les plus puissants un anneau facilite le décrantage.
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La belle lame en "feuille de sauge" n'est généralement pas exactement symétrique, plus plate au dos. Elle arbore des décors gravés, souvent des motifs végétaux et floraux. Tous les couteaux catalans locaux, qu'il s'agisse ou non d'armes rustiques, ont une lame en feuille de saule, à tranchant en V, ornée de motifs curvilignes, floraux ou fruitiers (une tranche d'olivier, par exemple), seuls deux modèles à motifs linéaires ont été retrouvés.
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Les parties métalliques sont décorées au burin, toujours sur les thèmes végétaux, mais aussi sur des symboliques autour du soleil et de l'eau.
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Le couteau catalan suit la forme de la main et possède toujours un cran d’arrêt.
Ce couteau diffère donc nettement du Laguiole à cran forcé artisanal, à lame yatagan, comme d'autres couteaux régionaux pliants ou rustiques fabriqués à Thiers, à Yssingeaux, ou en Corse.
Le Catalan possède en somme une lame en feuille de saule, un manche courbée, d'un seul tenant, qui vient épouser la lame, ce sont là les principales caractéristiques qui le définissent. Par la suite, son style a dérivé, comme en Catalogne Nord, pour devenir le couteau à manchon de cuivre allongé.
Les fabricants du "Catalan"
Des couteaux correspondant à ce modèle ont été fabriqués dans le Roussillon (Catalogne du Nord), particulièrement dans le Vallespir (moins souvent en Catalogne méridionale) depuis le début du XIXème siècle.
Ces fabrications s'appuyaient sans doute sur une forte tradition d'artisanat métallurgique, dans une région où se trouvent aussi bien le minerai de fer que le bois à charbon, et où fonctionnaient de nombreuses forges "Catalanes".
Des couteaux "Catalan" proviennent ainsi de Prats de Mollo et d'Arles sur Tech, dans les Pyrénées Orientales où le dernier "Ferrer de Tall" cesse son activité en 1904.
Au début du XXe siècle, les couteaux de taille moyenne (10 à 20cm) voient le jour à Perpignan sous les mains habiles de l’armurier René Mellot ou Martin Frères. Ils sont fabriqués à base d’éléments venus de Thiers (Puy de Dôme) : ressorts, lames estampées, manches en corne de chèvre.
A Céret, Mary et Simon Sayrou ont d'abord réalisé du couteau rustique, mais comportant toujours le manche coudé et la lame en feuille de saule; puis Simon Sayrou, installé à Perpignan, a monté des "Catalans" à partir d'ébauches de corne blonde et de lames de ressorts venus de Thiers pour trois couteliers de cette époque, Marin Adrodias et Bouvelot.
D'autres couteaux baptisés "Catalan" ont été montés à Perpignan par le Thiernois Charasse.
Il est à noter que ce couteau n'a pas franchi les Pyrénées. Aucun exemplaire n'a jamais été retrouvé en Catalogne Sud. Les seuls modèles pouvant servir de références seraient les Navaja d'Albacete fabriqués en Espagne.
Ce couteau bénéficie d'un certain succès du fait de son allure racée, les fabricants français sont rares, vous trouverez dont des articles de qualité à des prix assez élevés... rares donc chers! Afficher des produits de collections aux alentours de 3000€ dans les salles de vente est chose courante!
Métamorphoses du "Catalan"
La renommée du couteau "Catalan" à été suffisante pour que plusieurs couteliers s'en inspirent plus ou moins largement dans leurs créations. En plus de M.Charasse, dont nous avons déjà parlé, et dont le couteau diffère du modèle traditionnel par une virole en acier, un acier, un manche à courbure régulière et une finition bronzée noire, il faut citer le couteau "Catalan" de l'excellent coutelier thiernois Besset, qui figure au catalogne de la manufacture de Saint-Etienne de 1910: la lame très aiguë est décorée à l'acide, le manche coudé est en corne noire, avec des garnitures en laiton gravé et un talon de la lame à plusieurs crans (comme certaines navajas); certains modèles sont complétés par un anneau de décrantage.
Il convient de rappeler ici le beau couteau intitulé 'le Catalan" dessiné autrefois pour la Maison des couteliers de Thiers par le regretté Angelo Navarro. S'il s'agit évidemment d'un couteau d'inspiration méditerranéenne, la lame de forme Yatagan, le manche plat, à faible courbure sans ornement central, la forme de la mitre et de la garde, en font une création originale.
Quelques autres modèles de couteaux catalans :
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Ganivet : le plus ancien. Ganivet signifie « petit canif » en vieux provençal et en catalan.
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Navalla « traditionnel », couteau catalan pliant.
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Serralunga, librement inspiré du célèbre bandit catalan Joan Sala i Ferrer, surnommé Serrallunga.
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Goig, couteau catalan spécialement conçu pour Ille-sur-Têt, dont la tradition du goig a longtemps perduré. « Goig » provient du latin gaudium (joie, plaisir). Il s’agit d’un cantique portant l’image de la Vierge qui protége les récoltes et éloigne les mauvais esprits.
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Cargol : le petit + du catalan ! A utiliser avec la traditionnelle « cargolade » catalane, le Cargol possède…un pic à escargots – ce système breveté à l’Inpi est une création de Philippe Bottaioli un artisan d’art d’Argelès sur Mer.
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Cuina : couteau de cuisine…
Mythe autour du Couteau Catalan.
En 1840, le couteau catalan est associé à tort aux fameux trabucayres, qui s’en servaient en guise d’arme parallèlement à leur « trabuc » (tromblon). Ils n’ont existé que 3 siècles après la pendaison du plus célèbre bandit catalan Joan Sala i Ferrer, surnommé « Serrallunga » - on retrouve d’ailleurs des couteaux catalans à son nom !
« No m'obris sens raó , no em tanquis sens honor »
(Ne m'ouvre pas sans raison, mais ferme-moi avec honneur)
Le saviez-vous ? Les trabucayres (traboucaires en français), qui passaient pour des bandits au vu de leur comportement peu charitable étaient en fait une milice régulière - et officielle - catalane.
En savoir plus sur le couteau Catalan…
Pour les plus passionnés d’entre vous, découvrez l’histoire de couteau pas comme les autres à travers les pages des livres :
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« Histoire du couteau (nord) catalan traditionnel » de Claude Bidaut.
Découvrez aussi le couteau catalan entre les lignes de ces livres...
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Les Exploits de Rocambole - Tome II - La Mort du sauvage - Chapitre 18 ;
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La Recluse de Wildfell Hall1 (titre original en anglais : The Tenant of Wildfell Hall) ;
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Notre-Dame-d’Amour par Jean Aicard – 1896 ;
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L'ami du village par Charles Deslys ;
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Tartarin de Tarascon par Alphonse Daudet ;
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Sur les rails : La littérature de voyage - De la réalité aux profondeurs de l'âme par Tommaso Meldolesi
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Les mystères de Paris par Eugène Sue…
Désormais, vous avez une petite idée des caractéristiques du couteau Catalan, même si force est de constater que ce couteau au style très singulier plaît au premier regard ou laisse de marbre – il « tranche » les avis !
Féru d’histoire de coutellerie ? Découvrez aussi les familles qui ont fait l’histoire du couteau laguiole.