L’origine de ces couteaux de conception très simple doit certainement remonter à l’époque médiévale. Camille Pagé cite Saint Etienne comme haut-lieu de fabrication des Capucins. Il cite aussi deux petites villes du Midi qui sont peut-être à l’origine de ce type de couteau : Pézenas, dans l’Hérault, ou la coutellerie était florissante au milieu du XIXe siècle, ainsi que Mirande, dans le Gers.
Jusqu’à la dernière guerre, le domaine du Capucin s’étendait à toutes les Pyrénées, mais aussi au Rousillon et à la Montagne Noire. Avant le venue des lames auvergnates, ces couteaux étaient bien sûr équipés de lame d’acier local. Les Pyrénées, réputées depuis l’antiquité pour leur richesse en minerais, sont truffés d’anciennes mines, qui n’étaient bien souvent que de minuscules exploitations familiales. Traité dans les bas-fourneaux ou « forges catalanes », le minerai donnait, certes au prix d’une perte importante, un acier excellent après « cinglage » sous le martinet. Fabriqués tout d’abord par des couteliers locaux ou de simple forgerons de village, les Capucins provenaient surtout, dès le début du siècle, de Thiers, et on les trouvait à profusion à bas prix dans les bazars, les épiceries et sur les étals des marchands forains. Ils portaient les marques de couteliers thiernois ou de revendeurs locaux. Les utilisateurs les nommaient « couteaux de berger » mais bien souvent les désignaient du nom de la marque la plus courante dans leur région : à Font Romeu, c’était les Vauzy ; à St Gaudens, les Besset, et les « Grat » dans la région de Foix.
Ce bon vieux couteau, simple et bon marché, a si parfaitement convenu à sa clientèle, surtout paysanne, qu’il a perduré jusqu’à nos jours sans la moindre modification. Mais vers les années 50-60 il disparaît peu à peu. La plupart des anciens fabricants disparu. Des couteaux à ressort ou à virole les remplacent (Pradel, Opinel). Les vieux stocks sont bradés par des forains. Seul peut-être, un modèle à manche de bois était encore fabriqué industriellement. Toutefois le Capucin a encore ses inconditionnels dans certaines vallées pyrénéennes et, sur les foires et marchés.
Un commerçant a pris la succession d’un ancien forain qui vendait depuis 30 ans ces lames marquées alors Gimel ainsi que des Capucins neufs marqués 31 Besset. Le prix de ces lames est très modique. Etant donné la simplicité de montage de ce couteau, on comprend qu’un tel bricolage soit un jeu d’enfants pour les bergers et paysans. Une pointe de corne, un morceau de buis bien sec devient vite un manche acceptable, au goût et à la main du fabriquant-utilisateur. Et si celui-ci en a la fantaisie et le temps, qu’il y grave ses initiales, son nom, ou surnom, une naïve et charmante décoration.
On verra dans un prochain article comment les couteaux capucins ont connu une véritable résurrection.